Vous avez dit accès à la justice ? L’affaire Carvalho et autres contre Parlement et Conseil - T-330/18
Le 24 mai 2018, plusieurs familles ont introduit devant le Tribunal de l’Union européenne un recours en annulation et en indemnité pour insuffisance de mesures de lutte contre le changement climatique.
Nous écrivions précédemment à ce sujet : « La route vers le succès de l’action contre l’Union européenne n’est cependant pas sans écueils. Le Tribunal devra dans un premier temps statuer sur la recevabilité du recours. En vertu de l’article 263(4) TFUE, les familles devront convaincre de l’existence d’un préjudice direct et individuel dans le chef de chaque requérant. Or, en l’état actuel des choses, la jurisprudence restrictive de la Cour de Justice de l’Union européenne rend l’accès à la justice particulièrement difficile pour les citoyens et les organisations environnementales ».
Comme l’on pouvait s’y attendre, dans son ordonnance du 8 mai 2019, le Tribunal de l’Union européenne conclut à l’irrecevabilité de l’action et confirme qu’il n’est pas prêt à renoncer à sa fameuse jurisprudence « Plaumann ». Selon cette jurisprudence, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si « l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait ».
Autant dire que cette interprétation restrictive s’accommode mal des spécificités liées aux questions environnementales ou climatiques. Les requérants soulignent le paradoxe selon lequel plus le dommage est grave, plus le nombre de personnes affectées est élevé, et moins la protection juridictionnelle est disponible.
Ils ne sont pourtant pas seuls à le dire. Faut-il rappeler qu’en mars 2017, le Comité d’Aarhus a jugé que l’UE violait les articles 9(3) et 9(4) de la Convention d’Aarhus, consacrant l’accès à la justice en matière environnementale, et ce notamment en raison de sa jurisprudence restrictive en matière d’affection individuelle.
Les citoyens et les organisations environnementales continueront d’introduire des actions destinées à faire évoluer la jurisprudence européenne. En attendant, on se consolera du fait que cette situation est propre aux conditions d’accès aux juridictions de l’UE, dont les enseignements ne peuvent être appliqués par analogie aux juridictions belges.
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