Climat et Cour Européenne des Droits de l’Homme : un premier pas historique !
Le 30 novembre dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a fait un premier pas historique en accueillant la requête introduite par 6 jeunes Portugais ...
Le 30 novembre dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme a fait un premier pas historique en accueillant la requête introduite par six jeunes Portugais à l’encontre de 33 Etats membres en raison de leur inaction contre le réchauffement climatique.
Les jeunes requérants, âgés de 8 à 21 ans, reprochent aux 33 Etats de ne pas prendre les mesures visant à limiter les seuils d’émissions de gaz à effet de serre en accord avec les objectifs de l’Accord de Paris. Ils postulent une violation de leur droit à la vie (article 2 CEDH) et leur droit au respect de leur vie privée et familiale (article 8 CEDH). À cela s’ajoute une violation du principe de non-discrimination (article 14 CEDH), dès lors que les jeunes générations sont plus vulnérables et plus gravement touchées par les effets du réchauffement climatique.
Par son communiqué du 30 novembre 2020, la Cour européenne a admis la requête, ce qui est en soi une étape remarquable. En effet, l’une des conditions d’admissibilité est celle de l’épuisement des voies de recours interne, consacrée à l’article 35 CEDH. Or, les jeunes se sont adressés directement à la Cour, sans passer par les juridictions portugaises. La Cour a été sensible à l’argument selon lequel il n’existe pas de recours adéquat dans l’ordre juridique interne. Vu la responsabilité collective que portent les Etats dans la lutte contre le réchauffement climatique, la requête directement dirigée à l’encontre des 33 Etats est la seule manière de répondre à l’urgence climatique.
De manière tout aussi remarquable, la Cour a décidé d’accélérer le processus de traitement de l’affaire en lui donnant un statut prioritaire. En vertu de l’article 41 du Règlement de la Cour, la Chambre ou son Président peut décider de traiter prioritairement certaines affaires pour des motifs particuliers. En faisant application de cette règle, la Cour montre qu’elle a bien compris les enjeux de cette affaire.
On notera enfin que la Cour est allée plus loin en demandant non seulement aux Etats de répondre aux griefs fondés sur les articles 2, 8 et 14 CEDH, mais également sur l’article 3 CEDH, interdisant la torture ou les traitements inhumains et dégradants, et l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention, consacrant le droit au respect de ses biens.
Tout ceci laisse penser que la Cour européenne des droits de l’Homme a pris le train en marche en matière de climat. Partout en Europe, de plus en plus d’actions climatiques fondent leurs prétentions sur la violation des droits consacrés par la Convention européenne des droits de l’Homme. C’est notamment le cas en Belgique, dans l’affaire Klimaatzaak.
La requête des jeunes Portugais constitue une occasion inespérée de voir la Cour se pencher sur la question de la responsabilité des Etats dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Et la Cour de donner un signal clair : cette fois-ci, c’est du sérieux.
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