L’Europe peut-elle changer le monde ?
Dans un arrêt du 21 septembre, la Cour de Justice de Luxembourg était appelée à se prononcer sur la question de l’application de normes de sécurité et de qualité en matière de cosmétiques à des actes posés en dehors du territoire de l’Union européenne.
Depuis une trentaine d’années, le droit de l’Union européenne – alors encore Communautés économiques – a posé comme principe d’intégrer le bien-être animal dans la détermination de ses politiques. En matière de produits cosmétiques, ceci s’est traduit par des mesures visant à éviter autant que faire se peut le recours à des expérimentations sur des animaux pour l’évaluation de la sécurité des composants de produits cosmétiques mis sur le marché en Europe. Pour appuyer cet objectif, le considérant 45 du Règlement européen n° 1223/2009 […] dispose avec ambition que « La reconnaissance, par les pays tiers, des méthodes alternatives mises au point dans la Communauté devrait être encouragée. À cette fin, la Commission et les États membres devraient prendre toutes les dispositions appropriées pour faciliter l’acceptation de ces méthodes par l’OCDE. […] »
C’est pour donner un sens à ce considérant et à l’article 18 du Règlement en question qui veille à prévenir le recours aux tests sur des animaux que la Cour a jugé que « lue à la lumière de son contexte et de ses objectifs, ladite disposition doit être interprétée en ce sens que doivent être considérées comme ayant été réalisées « afin de satisfaire aux exigences [de ce règlement] » les expérimentations animales, réalisées hors de l’Union afin de permettre la commercialisation de produits cosmétiques dans des pays tiers, dont les résultats sont utilisés pour prouver la sécurité de ces produits aux fins de leur mise sur le marché de l’Union. »
La Cour constate donc que l’Union européenne peut, afin d’atteindre les objectifs qu’elle s’applique, s’intéresser à des actes posés en dehors de son territoire.
Au-delà de cette application concrète aux produits cosmétiques, l’arrêt nous semble intéressant en ce qu’il confirme que l’Europe peut être ambitieuse et un moteur pour faire évoluer des comportements et pratiques en dehors du territoire de l’Union ; la protection du consommateur européen justifie des restrictions à l’importation de produits – et demain peut-être de services – qui ne sont pas réalisés dans le respect de nos normes de sécurité et de qualité.
Gageons que la Cour, confrontée à une même question en matière éthique et sociale, défendrait la même rigueur.
Expertises liées: Santé et sécurité sociale