La notion de préparation magistrale clarifiée
Par un arrêt du 16 juillet 2015 (C-544/13 et C-545/13), la Cour de Justice de l’Union Européenne a clarifié la situation des formules magistrales préparées à grande échelle ou en série de formules magistrales.
En droit Européen et en droit belge la notion de préparation magistrale est définie comme "un médicament préparé en pharmacie selon une prescription destinée à un patient déterminé" (article 3 de la Directive 2001/83 et article 6quater § 3 de la loi du 25 mars 1964).
Trois conditions doivent donc être réunies:
- la préparation du médicament concerné "en pharmacie",
- "selon une prescription médicale",
- laquelle doit être "destinée à un malade déterminé".
Etant donné leur caractère individualisé et leur mode de préparation "sur mesure" ces préparations magistrales sont exclues du champ d’application des dispositions relatives à la mise sur le marché, la fabrication et la distribution des médicaments contenues dans la Directive 2001/83/CE qui s’appliquent aux médicaments "industriels".
Le caractère relativement large de la définition de magistrale avait jusqu’ici été utilisé par certains acteurs pour justifier la production à grande échelle de préparations "pseudo-magistrales" entrant parfois en concurrence réelle avec des médicaments autorisés sur le marché.
Pour la première fois dans un arrêt du 16 juillet 2015 (affaires C-544/13 et C-545/13), la Cour de Justice de l’Union Européenne a précisé "(…) qu’une telle préparation doit nécessairement être réalisée sur la base d’une prescription préalable émanant d’un professionnel habilité à cet effet." Cette prescription doit en outre "concerner un malade précisément désigné et, (…), ce malade doit être identifié avant chaque préparation du médicament concerné, laquelle doit être réalisée spécifiquement pour ledit malade."
Sur cette base, la CJUE a rejeté, dans des termes particulièrement clairs, la qualification de préparations magistrales à l’égard de :
- Préparations préparées par une pharmacie "en fonction de besoins connus d’avance", "pour être utilisé dans des services d’urgence" et, en tout état de cause, "sur la base de commandes effectuées avant qu’un patient déterminé n’ait été identifié".
- Préparations préparées et livrées à des pharmacies non hospitalières, sur la base d’un système d’"abonnement" et ce "même si une "première prescription médicale" a été rédigée pour chaque patient déterminé" (la production et la livraison des préparations concernées étant intervenues sur la base de besoins "relativement immédiats" de ces pharmacies et "connus d’avance").
La Cour a jugé que les préparations précitées n’étaient pas des préparations magistrales mais des médicaments "préparés industriellement" ou "fabriqués selon une méthode dans laquelle intervient un processus industriel". Elle estime en effet que la production, de manière standardisée, de quantités significatives d’un médicament en vue de son stockage et de la vente en gros, de même que la production à grande échelle ou en série de formules magistrales en lots sont caractéristiques d’une préparation industrielle ou d’une production selon une méthode dans laquelle intervient un processus industriel.
L’arrêt précité est cardinal puisqu’il rappelle le véritable sens de "l’exception magistrale". Il s’agit en effet d’un régime d’exception destiné à permettre la préparation d’un médicament sur mesure pour un patient spécifique. Cette exception ne peut donc être utilisée pour concurrencer la production industrielle de médicaments et contourner les contraintes liées à une telle production industrielle.
Maîtres Céline Pouppez et Pierre Slegers ont publié un commentaire sur cet arrêt dans le J.D.E. de novembre 2015.
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