La “suffisance”
Canopea réalise une recherche collaborative sur le principe de suffisance. Du 21 au 22 juin 2024 s’est tenu le premier atelier, auquel Equal partners a eu le plaisir de participer. L’occasion de revenir sur un principe méconnu.
Le principe de suffisance est méconnu. Pourtant, celui-ci figure depuis plus de 10 ans à l’article 4 du décret du 27 juin 2013 relatif à la stratégie wallonne de développement durable pour les matières réglées en vertu de l'article 138 de la Constitution :
« Art. 4. La stratégie wallonne de développement durable est élaborée en tenant compte des principes directeurs suivants : a) le principe d'efficience selon lequel les ressources à disposition doivent être utilisées le plus efficacement possible, en veillant à ce que chaque unité de ressource apporte la plus grande contribution possible au bien-être humain, afin également d'économiser les ressources naturelles non renouvelables et d'en faire profiter le plus grand nombre, et, b) le principe de résilience, selon lequel l'organisation sociale doit être la plus résistante possible aux crises environnementales, sociales ou économiques, pour pouvoir continuer à satisfaire les besoins collectifs, grâce à une approche transversale et mobilisatrice, et, c) le principe de suffisance, selon lequel la consommation de biens et de services doit viser un niveau optimal de bien-être moral et physique, en tenant compte de la priorité qui doit être donnée à la satisfaction des besoins essentiels des plus démunis.
Afin de dépasser la compréhension intuitive du principe de suffisance, il convient de s’attarder sur les autres notions sur lesquelles le décret fonde la stratégie wallonne de développement, à savoir les notions d’efficience et de résilience.
Alors que l’efficience tend à maximiser la productivité des ressources en optimisant les technologies et les processus « pour faire plus avec moins », la suffisance, elle, vise à réduire la demande en ressources et la consommation en promouvant une vie simple et modérée, consommant uniquement ce qui est nécessaire. D’aucuns estiment ces deux approches complémentaires, s’agissant de la poursuite d’une réduction globale de l’impact environnemental des activités humaines. D’autres, au contraire, considèrent les notions opposées, dès lors que la suffisance cherche à réduire ce que l’efficience entend maximiser : la production ou la performance, à la poursuite de la croissance économique.
La notion de suffisance est en outre fréquemment associée à celle de résilience, ou encore à celle de robustesse, elle-même directement inspirée du monde végétal. Une économie basée sur le principe de robustesse est aux antipodes d’une économie efficiente, dont la recherche constante d’optimisation tend à fragiliser les systèmes en contexte de crises sociales, financières, écologiques, énergétiques ou encore géopolitiques. A l’opposé, une économie robuste privilégie les solutions de faible niveau technologie (low-tech), peut-être moins performantes mais plus résiliente face aux potentielles perturbations. Elle favorise les solutions réparables, limitant la dépendance à la disponibilité de pièces hautement technologique. Une économie robuste est une économie qui favorise la circularité et la constitution de stocks afin d’absorber les pénuries ou les ruptures d’approvisionnement.
La suffisance et ses avatars demeure, au-delà des apparences, une notion complexe et difficile à saisir au sein d’une société dont le développement est fondé sur la croissance.
Le processus collaboratif initié par l’asbl Canopea rassemble une trentaine de personnes issues de secteurs divers et variés. Son objectif est d’élaborer différents scénarios de futurs possibles et d’identifier des leviers d’action plausibles facilitant la transition wallonne vers une société plus suffisante. Il se poursuivra le 21 septembre et le 8 novembre 2024.
Pour en savoir plus sur la suffisance et la recherche collaborative menée par Canopea, c’est par ici.
Expertises liées: EQUAL vie quotidienne, Environnement, Economie et finances publiques