Le point sur les récentes modifications de la loi du 17 juin 2016 sur les marchés publics
Une nouvelle loi du 18 mai 2022 modifie les lois du 17 juin 2016 relatives aux marchés publics et aux contrats de concession. Le présent article examine les ajouts et modifications apportés à la loi sur les marchés publics.
Une nouvelle loi du 18 mai 2022 modifie les lois du 17 juin 2016 relatives aux marchés publics et aux contrats de concession. Le présent article examine les ajouts et modifications apportés à la loi sur les marchés publics, à savoir :
- le calcul du délai d’exclusion du soumissionnaire
- la présentation d’initiative des mesures correctrices par le soumissionnaire
- la saisie des créances de l’adjudicataire
- la création d’un Comité de gouvernance des marchés publics
- la transposition de la directive 2019/1161, plus communément appelée directive « véhicules propres ».
1. Délai d’exclusion des motifs d’exclusion facultative
Avant d’aborder les différentes modifications, relevons que la loi opère un changement de terminologie : on ne parle plus de « motifs d’exclusion obligatoires et facultatifs » mais de « motifs d’exclusion obligatoire et facultative ». Ce ne sont donc plus les motifs qui sont obligatoires et facultatifs, mais bien l’exclusion.
Une première modification est relative au calcul du délai d’exclusion en ce qui concerne les motifs d’exclusion facultative.
La notion d’évènement reprise à l’article 69 de loi relative aux marchés publics et servant de point de départ au délai d’exclusion de trois ans est désormais clarifiée. Conformément à l’arrêt Vossloh Laeis de la Cour de justice européenne[1], il faudra désormais considérer que l’évènement concerné n’est pas la date de l’infraction elle-même[2], mais bien la constatation judiciaire ou administrative de l’infraction par une autorité légalement compétente et au terme d’une procédure spécifique.
Cette méthode de calcul du délai de trois ans est applicable dans les cas de :
- manquement aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail visées à l’article 7 de la loi relative aux marchés publics ;
- faute professionnelle grave ;
- entente ;
- fausse déclaration ;
- influence indue.
Par contre, tant qu‘aucune décision judiciaire n’est prise, le point de départ reste la date de l’évènement concerné (ou de la fin de l’infraction en cas d’infraction continue).
2. Mesures correctrices
Une deuxième modification concerne la présentation des mesures correctrices par le soumissionnaire.
Dans le cadre des motifs d’exclusion facultative, cette présentation ne devra plus se faire d’initiative.
Il est toutefois prévu un mécanisme dérogatoire qui permet au pouvoir adjudicateur de demander que cette présentation soit faite d’initiative au moment du dépôt de l’offre si plusieurs conditions sont remplies :
- Le fait d’avoir annoncé cette obligation dans les documents de marché ;
- L’indication des motifs d’exclusion pour lesquels cette dérogation est applicable ;
- La précision de la portée des motifs auxquels cette dérogation s’applique de manière à ce que le candidat (ou le soumissionnaire) puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue.
Pour les motifs d’exclusion obligatoire, les mesures correctrices devront, par contre, toujours être présentées d’initiative. On notera toutefois que le législateur exige désormais que le pouvoir adjudicateur énonce dans les documents du marché, le régime applicable aux mesures correctrice par un renvoi à l’article 70, §2 de la Loi du 17 juin 2016.
3. Saisie des créances
Une troisième modification est relative aux saisies, oppositions, cessions de créance et mises en gage.
Le principe est désormais établi que les créances de l’adjudicataire, dues en exécution d’un marché public, ne pourront pas faire l’objet d’une saisie, d’une opposition, d’une cession ou d’une mise en gage jusqu’à la réception du marché.
Par exception toutefois, les ouvriers, employés, sous-traitants et fournisseurs de l’adjudicataire pourront se saisir des créances (hors avances) et y faire opposition et ce, avant la réception du marché[3]. Également à titre exceptionnel par rapport au principe, il sera possible de céder les créances (hors avances prévues par l’article 12 alinéa 2 de la loi du 17 juin 2016) ou les mettre en gage au profit de bailleurs de fonds, lorsqu’elles sont affectées à la garantie de crédit ou d’avances de sommes sur l’exécution du marché.
Il ressort des travaux préparatoires de la loi que l’objectif poursuivi par le nouvel article 87/1 est d’empêcher l’interruption intempestive des marchés publics par tout autre créancier de l’adjudicataire. Cette disposition a pour but d’assurer d’une part, la continuité des paiements de l’adjudicataire, de ses sous-traitants, fournisseurs et bailleurs de fonds et, d’autre part, la continuité des prestations et fournitures nécessaires à l’achèvement du marché public concerné[4].
4. Comité de gouvernance des marchés publics
La quatrième modification que la loi instaure[5]
porte sur l’institution d’un Comité de gouvernance des marchés publics et des concessions. Ce Comité est créé pour assister le Service public fédéral Chancellerie du Premier ministre, Service des marchés publics, qui est compétent pour l’élaboration des rapports de contrôle de la bonne application des règles sur les marchés publics sur le territoire belge.
5. Transposition de la directive ‘véhicules propres’
Enfin, la loi vise à transposer la directive ‘véhicules propres’[6]
du 20 juin 2019. Cette directive oblige les états membres à veiller à ce que les adjudicateurs tiennent compte, lors de l’acquisition par voie de marchés publics de certains véhicules, des incidences énergétiques et environnementales qu’ont ces véhicules tout au long de leur cycle de vie, y compris la consommation d’énergie et les émissions de CO2 et de certains polluants.
Le but est de promouvoir et de stimuler le marché des véhicules propres et les économies en énergie.
Les adjudicateurs devront désormais veiller à ce que leurs marchés publics concernant les véhicules et certains services précisés (l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de véhicule, et les marchés de service au sens du règlement n° 1370/2007[7] et de l’annexe V) répondent au moins aux objectifs minimaux visés à l’annexe VII, elle aussi introduite par la loi.
Ces nouvelles obligations, introduites par la directive ‘véhicules propres’, ne s’appliquent qu’aux marchés qui atteignent les seuils pour la publication européenne.
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[1] CJUE, C-124/17, 24 octobre 2018.
[2] Contrairement à ce que prévoyait la règlementation étant donné que l’article 69 de la loi du 17 juin 2016 disposait que : « Les exclusions à la participation aux marchés publics mentionnées à l'alinéa 1er s'appliquent uniquement pour une période de trois ans à compter de la date de l'évènement concerné ou en cas d'infraction continue, à partir de la fin de l'infraction. »
[3] Dans l’hypothèse où il y a à la fois une réception provisoire et une réception définitive, la saisie ne pourra avoir lieu qu’après la réception provisoire.
[4] Projet de loi modifiant la loi du 17.6.2016 relative aux marchés publics et loi du 17.6.2016 relative aux contrats de concession, Commentaire des articles, Doc. Parl., Chambre, 55-2496/001, p. 12.
[5] Article 9 de la loi du 18 mai 2022.
[6] Directive 2019/1161 du 20 juin 2019 relative à la promotion de véhicules e transport routier propres et économies en énergie (‘directive ‘véhicule propres’)
[7] Règlement 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements 1191/69 et 1107/70.
Expertises liées: Marchés publics et PPP