Du changement au niveau des conditions du référé administratif devant le Conseil d'État - © Focal Foto 2023
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- Par Equal team

Du changement au niveau des conditions du référé administratif devant le Conseil d'État

À partir du 1er janvier 2025, les conditions pour obtenir la suspension d'urgence de l'exécution d'un acte administratif devant le Conseil d'État subiront quelques changements, validés en partie par la Cour constitutionnelle.

Le référé administratif est réglé à l'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'État, lequel a fait l'objet de modifications considérables par la loi du 11 juillet 2023, lesquelles entreront en vigueur le 1er janvier 2025.

Pour obtenir la suspension de l'exécution d'un acte administratif, le requérant doit veiller à démontrer l'existence d'une urgence "incompatible avec le traitement de l'affaire en annulation" ainsi que l'existence d'un moyen sérieux "qui est susceptible prima facie de justifier l'annulation de l'acte ou du règlement attaqué"

La loi du 11 juillet 2023 vient préciser qu'en outre, le moyen sérieux doit se prêter à "un traitement accéléré". Cette nouvelle condition implique que le Conseil d’Etat ne prend pas en considération un moyen lorsque son examen n’est pas conciliable avec le traitement accéléré dans le cadre d’un référé administratif.

Dans un arrêt 156/2024 rendu le 19 décembre 2024, la Cour constitutionnelle valide cette modification au regard du droit à un recours effectif, du droit d’accès au juge, ainsi qu'à l'obligation de standstill résultant de l'article 23 de la Constitution. 

Elle apporte à cette occasion des éclaircissements sur ce que constituerait un moyen dont l'examen ne se prêterait pas à un traitement accéléré.

Il est utile de souligner que la Cour commence par rappeler que cette nouvelle exigence doit être interprétée de manière restrictive dès lors qu'elle constitue une restriction du droit d’accès au juge.

Se référant aux travaux préparatoires de la loi du 11 juillet 2023, elle constate que sont concernés trois types de moyens :

  1. les moyens qui, en raison de leur nature complexe ou technique, exigent "des indications" supplémentaires de la part des parties requérantes, lesquelles doivent donc veiller à fournir les explications nécessaires pour que l’examen du moyen se prête à un traitement accéléré ;
  2. les moyens qui concernent une question technique et complexe qui ne peut être clarifiée sans la désignation préalable d’un expert ;
  3. les moyens qui soulèvent une question préjudicielle, à moins qu’il se justifie de poser une question préjudicielle dès le stade du référé.

La Cour constate par ailleurs que cette nouvelle exigence n'empêche pas le Conseil d'État de lui poser des questions préjudicielles. À titre surabondant, elle rappelle utilement "qu’il est tout à fait plausible que des doutes sérieux quant à la constitutionnalité incitent à considérer prima facie que le moyen dans lequel la question est soulevée est sérieux".

Quant à la possibilité de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, la Cour relève que « dans des procédures en référé, le Conseil d’État n’est pas tenu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice parce que l’obligation de poser une telle question reste applicable dans la procédure au fond et parce qu’il réexaminera les points de droit jugés en référé dans la procédure au fond » et que « rien ne s’oppose à ce que le Conseil d’État pose quand même une question préjudicielle à la Cour de justice dans le cadre de la procédure en référé. Il pourrait, dans un même temps, suspendre l’acte administratif attaqué ou ordonner des mesures provisoires, notamment si cela s’avérait nécessaire pour garantir le plein effet du droit de l’Union dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la question posée ».