Moins cher, c’est (vraiment) illégal ?
La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la manière dont un pouvoir adjudicateur doit appréhender une offre soumise au prix de zéro euro.
Saisie d’un renvoi préjudiciel par la Commission nationale de contrôle des procédures de passation des marchés publics de Slovénie, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur la manière dont un pouvoir adjudicateur doit appréhender une offre soumise au prix de zéro euro. Il s’agit là d’une variante d’une problématique bien connue des praticiens belges, à savoir les prix unitaires « à zéro ».
Le litige slovène concerne un marché d’accès à un système informatique juridique. Le pouvoir adjudicateur n’a reçu que deux offres, dont celle d’un soumissionnaire qui a proposé un prix global de zéro euro. Ce seul motif a poussé le pouvoir adjudicateur à écarter l’offre . En effet, il a considéré que le prix étant de zéro, le pouvoir adjudicateur ne fournirait aucune contrepartie financière, alors même que ce soumissionnaire obtiendrait, par l’exécution de ce contrat, l’accès à un nouveau marché et des références qu’il pourrait faire valoir dans le cadre de marchés ultérieurs.
Dans son arrêt du 10 septembre 2020, la Cour de justice a dit pour droit qu’un pouvoir adjudicateur ne peut pas écarter automatiquement une offre au seul motif que le prix proposé dans l’offre est de zéro euro. Dans cette hypothèse particulière, le pouvoir adjudicateur est tenu de suivre la procédure prévue en cas de prix apparemment anormaux, en demandant au soumissionnaire des justifications quant au montant de l’offre.
L’intérêt de l’arrêt est double.
D’une part, il fait évidemment écho à la jurisprudence du Conseil d’Etat de Belgique, rendue dans le cadre de la problématique proche des postes unitaires proposés à zéro euro. Ainsi, à titre d’exemple, dans son arrêt n° 235.580 du 3 août 2016, le Conseil d’Etat avait également considéré qu’un prix de zéro devait être considéré comme étant un prix apparemment anormal, avec cette conséquence que le soumissionnaire concerné doit être expressément invité à justifier ce prix.
D’autre part, l’arrêt de la Cour de justice en profite pour rappeler la condition du caractère onéreux d’un marché public. Même si la contrepartie ne doit pas nécessairement consister dans le versement d’une somme d’argent, de sorte que la prestation peut être rétribuée par d’autres formes de contreparties, la Cour précise ainsi tout de même, au considérant 26, que « il n’en reste pas moins que le caractère synallagmatique d’un contrat de marché public se traduit obligatoirement par la création d’obligations juridiquement contraignantes pour chacune des parties au contrat, dont l’exécution doit pouvoir être réclamée en justice ».
Un prix global à zéro, illégal ? Pas forcément, répond donc la Cour de Justice, qui rappelle l’obligation d’investiguer les prix apparemment anormaux.
Expertises liées: Marchés publics et PPP