Protection de l'eau européenne contre les PFAS et autres substances dangereuses : actualités - © Luciann Photography
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- Par Equal team

Protection de l'eau européenne contre les PFAS et autres substances dangereuses : actualités

Les PFAS font aussi l’objet de l’actualité juridique et judiciaire, Manon Quinet, stagiaire d’été chez EQUAL s’est intéressée aux dernières en date.

1/ La proposition de modification des directives européennes relatives à l'eau et aux substances dangereuses, telles que les PFAS, avance :

Suite au Green Deal, un processus législatif européen a été mis en place pour modifier les directives relatives à l'eau et aux substances dangereuses, telles que les PFAS.

La Commission a tout d’abord proposé en octobre 2022 de modifier trois textes : la directive-cadre sur l'eau (2000/60), la directive sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration (2006/118) et la directive établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau (82/176).

Les changements les plus importants consistaient en une actualisation de la liste des polluants, comme l'ajout des polluants éternels tels que les PFAS, et des normes de qualité. En outre, la Commission proposait également de donner une position centrale à l'Agence européenne des produits chimiques (ECA) pour assurer une cohérence maximale entre les directives de l'UE sur les produits chimiques.

Après l'initiative de la Commission et l'approbation du Parlement européen en janvier 2024, le texte a été transmis au Conseil de l'Union européenne. Le Conseil a transmis sa proposition le 19 juin dernier au terme de cette dernière étape du processus législatif. Cette proposition a fait l'objet de plusieurs adaptations qui l'ont toutefois affaiblie. En effet, la disposition relative à la surveillance des mélanges de différents produits chimiques a été supprimée, avec pour conséquence que l'influence des substances les unes sur les autres ne sera plus prise en compte.

En outre, les États membres se sont mis d'accord sur le report de la date limite de mise en œuvre de la directive sur les eaux souterraines (2000/60) à 2039, avec la possibilité de la reporter à 2051, au lieu de 2027. Si le texte entre en vigueur comme tel, les États membres auront jusqu'à la nouvelle date limite pour s'assurer que leurs eaux souterraines ont un statut chimique légal. Cela signifie que si cette nouvelle version de la directive entre en vigueur, au cours des dix prochaines années, la seule obligation des États membres sera de surveiller la présence de nouveaux polluants dans leurs eaux.

Une fois que le nouveau Parlement européen aura repris ses travaux, des négociations entre les institutions européennes auront lieu et une version finale du texte devrait être adoptée.

2/ En Belgique

Le Conseil d'État a rendu un arrêt important en matière de PFAS le 12 juillet 2024.

Revenons sur les faits. Le 14 mars 2022, la « coalition PFAS », composée d’un collectif de riverains anversois et de Greenpeace, a introduit un recours devant le Conseil d’Etat. La coalition reprochait au Gouvernement flamand d’avoir contourné sa propre réglementation en creusant le sol contaminé afin de construire le raccordement entre Linkeroever et Rechteroever, qualifié de « Oosterweel ». La coalition demandait au Conseil d’Etat la suspension et l’annulation de l'autorisation d'élimination des terres excavées sur le quai du raccordement d’Oosterweel à Anvers.

Les requérants faisaient valoir que les terres excavées entraîneront une nouvelle contamination des eaux souterraines. Le Conseil d'État n'a pas accepté l’argument en réponse selon lequel les eaux souterraines étaient déjà contaminées. En outre, la partie requérante soutenait que le mouvement de terre autorisé n'était pas conforme à la réglementation sur les déchets. Le 19 avril 2022, le Conseil avait dans un premier temps ordonné la suspension des actes attaqués devant lui. La condition d'urgence avait alors été démontrée en soulignant les risques sérieux pour la santé des citoyens et l'environnement, sur base de plusieurs études et enquêtes.

Le 12 juillet 2024, le Conseil d'État s'est prononcé sur le fond de l'affaire.

Le moyen soulevé se compose de 3 trois branches. Premièrement, la violation de l’article 138, § 2 du Bodemdecreet et la décision du gouvernement flamand du 14 décembre 2007 établissant la réglementation flamande relative à l'assainissement et à la protection des sols. Deuxièmement, les principes de bonne conduite administrative. Troisièmement, la violation du droit à la vie et du droit à la vie privée (art. 2 et 8 CEDH et art. 23 de la Constitution belge).

Le Conseil d'État a jugé le moyen fondé. Il a estimé que la partie adverse avait ignoré les règles d'utilisation du sol et les avait remplacées par un principe standstill qu'elle avait elle-même élaboré. La partie adverse affirmait en effet que le principe était que les terres contaminées devaient être conservées au même endroit.

Le Conseil d'État a jugé qu'il n'y avait qu'une seule zone de travail cadastrale et que, par conséquent, la variabilité des concentrations dans les deux zones ne devait pas être prise en compte. Ainsi, même à suivre l’interprétation qu'en donnent les défendeurs, le principe de standstill a bien été violé dès lors que les réglementations flamandes exigeant des « caractéristiques similaires » et un « effet significatif sur l'environnement » n'ont pas été prises en compte pour créer de telles zones.

Le Conseil d'État a également fait valoir que les critères des rapports techniques ont été élaborés pour l'occasion et n'avaient pas de base juridique. Les rapports techniques sont donc contraires à la réglementation qui leur est applicable et sont donc considérés comme manifestement illégaux. La critique de la justification scientifique du cadre normatif pour la concentration des PFAS dans le sol a également été jugée fondé. À la suite d'un rapport remis au gouvernement flamand en septembre 2021, et donc au moment de la conformité des rapports techniques, un renforcement des normes était imminent.

En outre, il est reproché à la partie adverse de ne pas avoir suffisamment et concrètement pris en compte les effets des PFAS sur l'environnement bien qu'il s'agisse d'une obligation contenue dans l’article 158, 5° de la décision du gouvernement flamand du 14 décembre 2007 établissant la réglementation flamande relative à l'assainissement et à la protection des sols. Il n'a pas été précisé concrètement quels sont les impacts et les risques en question.

Cet arrêt du Conseil d’Etat pourrait avoir des implications considérables dans plusieurs domaines. Le mode opératoire ayant été définitivement déclaré illégal, les enquêtes criminelles sur les PFAS dans cette région peuvent désormais être rouvertes.

3/ En Europe

Cette affaire pourrait avoir des implications historiques. En effet, d'autres affaires liées aux PFAS sont pendantes devant les tribunaux dans toute l'Europe.

En France plus particulièrement, le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon a suspendu par une ordonnance du 20 juin 2024 l'arrêté préfectoral du 1er février 2024 qui prenait acte de la création par la société Daikin Chemical France d'une nouvelle unité de fabrication dans son usine de Pierre-Bénite (Rhône). La préfète estimait que ce projet ne nécessitait pas une nouvelle autorisation d'exploiter, or l’association requérante considérait au contraire que la nouvelle unité de fabrication était à l'origine d'une modification substantielle de l'établissement, susceptible d'entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour l'environnement, et devait, à ce titre, donner lieu à une nouvelle autorisation, et par conséquent à une évaluation environnementale qui implique une soumission à l'information du public. Le juge a suspendu l’arrêté sur cette base.

En effet, pour l'application des dispositions de l'article R. 181-46 du Code de l'environnement français – qui définit les modifications substantielles -, l’ordonnance rappelle qu’il y a lieu de « tenir compte des changements successifs qui ont pu être apportés à une installation ou au site sur lequel elle est exploitée afin de déterminer si ceux-ci sont, par leur addition, de nature ou non à mettre en cause l'appréciation qui avait été faite, au moment de la déclaration initiale, des dangers et inconvénients et des moyens de les limiter ».

Or, le site avait déjà fait l'objet d'une augmentation de production, et de rejets polluants, en 2016 et la nouvelle unité de fabrication « pré-compound » utilise du bisphénol A fluoré faisant partie de la famille des PFAS. L'ordonnance ajoute que, « s'il n'apparaît pas que les différentes valeurs d'émission déclarées à l'administration par l'exploitant et autorisées dépasseraient des valeurs de référence, auxquelles elles restent d'ailleurs souvent très inférieures, il y a lieu toutefois de tenir compte du fait que le site est implanté dans une zone densément peuplée dans le sud de l'agglomération lyonnaise, où sont installées des usines à l'origine, depuis des décennies, de très importantes émissions dans l'eau et dans l'air de PFAS ».

Le juge relève aussi que les changements successifs apportés à l'installation classée ont conduit à l'émission supplémentaire de différents produits toxiques, « dont les effets sur la santé humaine, sans être certains, au regard des quantités émises, apparaissent néanmoins susceptibles d'avoir des effets négatifs notables, notamment par cumul avec les pollutions constatées dans le secteur et dont les effets sont durables ». Le juge prend donc en compte la zone dans laquelle est implanté le site et le cumul des pollutions qu'il génère avec d'autres sources polluantes.

Le jugement sur le fond, quant à lui, n'est pas attendu avant plus d'un an. L’État français a annoncé le 11 juillet qu’il se pourvoyait en cassation.

Affaire(s) à suivre, donc…

Lire ici la position de la Commission ;

Lire ici la position du Parlement Européen ;

Lire ici la position du Conseil ;

Lire ici l’arrêt en suspension du Conseil d'Etat dans l’affaire des PFAS ;

Lire ici l'arrêt en annulation du Conseil d'Etat dans l’affaire des PFAS ;

Lire ici l’ordonnance du 20 juin 2024 du juge des référés du Tribunal administratif de Lyon.

Manon Quinet, stagiaire d’été chez EQUAL

Expertises liées: Environnement