Touche pas à mes certificats verts!
Le Conseil d'Etat rejette les recours introduits par l’a.s.b.l. «Touche Pas à mes Certificats Verts».
Par requêtes introduites le 15 décembre 2014 et le 12 mai 2015 , l’a.s.b.l. « Touche Pas à mes Certificats Verts » et csts. demandent l’annulation de l’arrêté du Gouvernement wallon du 2 octobre 2014 modifiant l’arrêté du Gouvernement wallon du 30 novembre 2006 relatif à la promotion de l’électricité produite au moyen de sources d’énergie renouvelables ou de cogénération et l’annulation de l’arrêté ministériel du 2 mars 2015,modifiant l’arrêté ministériel du 29 septembre 2011 déterminant le facteur de réduction «k» à partir du 1eroctobre 2011.
Le Conseil d’Etat rejette les deux requêtes de demande en annulation.
Les arrêts n° 237.860 et 237.861 du 30 mars 2017 feront assurément date dans la mesure où ils délimitent les pourtours admissibles de l’action correctrice par une autorité, d’une situation antérieure mal évaluée. Ces deux arrêts charpentés font l’objet d’une première brève analyse commune ci-dessous.
Il est reproché à la Région wallonne de porter atteinte, par les mesures critiquées, aux droits acquis des propiétaires-producteurs de panneaux photovoltaïques, notamment en violation du principe de proportionnalité et du raisonnable, de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, de la violation du principe de non-rétroactivité des actes administratifs et de l’article 2 du Code civil, de la violation du principe patere legem quam ipse fecisti, de la violation de l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 16 de la Constitution, de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’excès de pouvoir. Selon les requérants, les mesures attaquées consacrent un retrait de la garantie de rachat des certificats verts telle qu’existant auparavant.
Le Conseil d’Etat reconnaît que l’origine du problème se situe dans une mauvaise évaluation, lors du lancement du système des certificats verts, du succès que celui-ci rencontrerait. La Juridiction ajoute que les mesures attaquées tendent à remédier, au moins partiellement, aux effets jugés indésirables du point de vue de l’intérêt général, de la mise en circulation d’un nombre excessif de certificats verts.
Après une analyse détaillée des motifs des arrêtés attaqués, la Juridiction administrative considère que le souci d’assurer un équilibre entre les intérêts des propriétaires de panneaux photovoltaïques et ceux de la généralité des consommateurs a pu justifier l’entorse qui a été portée au principe de la sécurité juridique et à la légitime confiance des administrés, dès lors que des mesures l’accompagnement ont été prises pour en limiter les effets les plus graves. Il n’appartient pas au Conseil d’État de censurer sur le terrain de l’opportunité, et qui, compte tenu des indications données au préambule de l’arrêté attaqué, n’apparaît pas manifestement déraisonnable.
Il faudra également retenir qu’aucun droit acquis ne peut naître d’une réglementation qui est toujours susceptible d’être modifiée pour l’avenir. La règle patere legem quam ipse fecisti ne concerne que le respect, par une autorité dotée d’un pouvoir réglementaire, de ses propres règlements dans les décisions individuelles qu’elle prend, mais n’interdit pas à cette autorité de modifier ses règlements. Les critiques sont estimées non pertinentes car elles aboutiraient à interdire à une autorité de rectifier les erreurs qu’elle commet.
Par ailleurs, les mesures n’ont pas de portée rétroactive selon le Conseil.
La modification a pour effet de modifier pour l’avenir les règles d’attribution des certificats verts, en fonction d’un facteur «k», pour les cinq dernières années des quinze ans pendant lesquelles de tels certificats peuvent être délivrés. La validité des certificats verts qui ont été délivrés n’est pas remise en cause.
En réduisant la période d’octroi de quinze à dix ans, les mesures entreprises ne modifient la situation des propriétaires d’installations photovoltaïques qu’à partir de 2018. En conséquence, les mesures n’ont pas d’effet rétroactif.
De plus, les arrêtés attaqués doivent s’analyser uniquement comme la modification non-rétroactive d’un mécanisme de subventionnement de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables et non pas comme une atteinte au droit de propriété. En effet, ils se bornent à réduire pour l’avenir les bénéfices ou avantages espérés découlant de la mise en service de ces installations. Ils ne constituent pas une atteinte au droit de propriété des petits producteurs d’électricité au moyen d’installations photovoltaïques. Le Conseil d’Etat considère que l’ingérence dans les espérances, fussent-elles légitimes, des propriétaires de panneaux photovoltaïques, adéquatement motivée, ne constitue une violation ni de l’article 16 de la Constitution, ni de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Une fois les critiques existentielles des mesures rencontrées, le Conseil d’Etat considère que les ajustements du facteur «k» différents dans le temps pour les installations de «petit» et de «grand» photovoltaïque font suite aux constats de la CWaPE quant à l’évolution de la rentabilité de ces installations. Au total, la différence de régime est limitée, et elle est en rapport avec la situation à laquelle l’arrêté attaqué entend remédier.
Enfin, nous apprenons qu’aucune des dispositions visées par les requérants, plus particulièrement les règles de l’égalité devant la loi et de non-discrimination inscrites aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, n’interdit que les soutiens et avantages accordés aux producteurs d’électricité verte soient modifiés pour l’avenir.
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