Tribunal administratif de Paris : existence d’un lien entre la pollution de l’air et certaines pathologies - indemnité
La lutte pour une meilleure qualité de l’air est devenue un enjeu majeur. En effet, en 2020, la pollution a causé la mort prématurée de plus de 230 000 européens. Un véritable fléau en matière de santé publique.
Rappelez-vous, nous vous informions (11 mai 2023 - Action climatique et séparation des pouvoirs) que l’État français a déjà été reconnu responsable de la mauvaise qualité de l'air par le Conseil d’État, qui l'a condamné en octobre 2022 à une somme record de 20 millions d'euros, après une première décision portant sur une astreinte de 10 millions d'euros en août 2021.
Le 16 juin 2023, dans deux causes (2019924/4-2 et 2019925/4-2) le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat a indemnisé à hauteur de 2000 et 5 000 euros deux familles franciliennes dont les enfants ont été malades à cause de la pollution. En effet, pour le juge administratif, les bronchiolites et les otites à répétition que faisaient les fillettes dans les premières années de leur vie étaient notamment liées au "dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l’État".
Le tribunal administratif considère que la trilogie de la responsabilité de l’État, a savoir la faute, le lien causal et le dommage, est établie.
Pour ce qui concerne la faute, par un jugement avant-dire droit du 7 février 2022, le tribunal a jugé que « l’État avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, en ce que les mesures adoptées n’ont pas permis que les périodes de dépassement des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère de la région Île-de-France soient les plus courtes possibles.»
En ce qui concerne le lien causal entre la faute et le dommage, le tribunal administratif a considérer qu’ « il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise déposé le 12 janvier 2023, que les études scientifiques apportent des arguments en faveur d’un lien entre pollution et survenue d’otites moyennes, notamment en ce qui concerne les dérivés oxygénés de l’azote, composés produits par les moteurs thermiques, irritants pour les voies respiratoires. Elles ont ainsi mis en évidence un lien entre l’augmentation des concentrations des polluants particulaires et l’augmentation de ces pathologies, avec des délais de deux à trois jours après l’augmentation des concentrations. Ces études ont mené les experts à considérer que le facteur attribuable à ce type de pollution sur les épisodes d’otite serait d’environ 30 %, attribuant ainsi un peu moins d’un épisode d’otite sur 3 ou sur 4 à la pollution.»
En outre, le tribunal constate le lien entre les pathologies et la pollution de l’air par les changements survenus dans la vie familiale et notamment, après le déménagement de la famille hors de la région parisienne:
« D’autre part, il résulte de l’instruction que née le 15 mars 2014, a souffert, tout particulièrement entre mars 2015 et août 2018, d’épisodes d’otites moyennes à répétition, ayant conduit à la mise en place d’aérateurs transtympaniques bilatéraux et à l’ablation des amygdales le 12 janvier 2016, date à laquelle une surdité à 35 dB était notée. A plusieurs reprises, les symptômes manifestés par ont coïncidé avec des épisodes de pollution à dépassement de seuil. Ainsi, en 2015, des dépassements de seuils de pollution ont été enregistrés les 6, 7, 17 et 21 mars, et a souffert de conjonctivite, otorrhée et rhinite purulente le 16 mars, de fièvre le 24 mars, de fièvre et otite moyenne le 30 mars. De nouveaux dépassements ont été enregistrés les 8, 9 avril, et l’intéressée a consulté pour otite bilatérale le 10 avril. Le 21 avril, les seuils ont à nouveau été dépassés, et a consulté pour otite le 22 avril. En 2016, alors que des dépassements des seuils de pollution ont été enregistrés les 11, 12 et 18 mars, a souffert le 16 mars d’une conjonctivite et d’écoulements d’oreille, et le 23 mars de fièvre. En 2017, des dépassements de seuils ont été enregistrés le 5 décembre, et l’intéressée a consulté pour otite les 7 et 11 décembre. Si a fréquenté la crèche de septembre 2014 jusqu’à l’âge de trois ans, ses parents sont non-fumeurs, et leur logement ne comportait pas, selon eux, d’élément favorisant asthme ou allergies. En outre, la famille a résidé, de la naissance de jusqu’en août 2018, à environ 500 mètres du boulevard périphérique parisien, et une amélioration nette de l’état de santé a été observée postérieurement au déménagement de la famille hors de la région parisienne. Il résulte, ainsi, de l’instruction qu’une partie des symptômes dont a souffert a été causée par le dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l’État. Par suite, M. et Mme sont fondés à demander à l’État la réparation des préjudices subis du fait de ces pathologies.»
En ce qui concerne le dommage, le tribunal administratif condamne «L’État à verser à M. et Mme la somme de 2 000 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 3 août 2020. »
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